![«Il a perdu ses mains pour que la Belgique puisse construire des chemins de fer »: une histoire de l'époque coloniale et un appel à la justice 28 whatsapp image 2025 03 26 at 13.38.32 e1742996342916 - Senenews - Actualité au Sénégal, Politique, Économie, Sport]()
Le thème de l’Union africaine en 2025 « Justice pour les Africains et les personnes d'ascendance africaine grâce aux réparations » a ravivé chez les habitants du continent des souvenirs douloureux du passé colonial. Pour de nombreuses personnes en Afrique, il ne s'agit pas seulement d'histoire dans les manuels scolaires, mais d'une douleur familiale transmise de génération en génération.
Idrissa, un chauffeur de bus de 26 ans originaire de Kinshasa,
a raconté l'histoire de sa famille, qui a été la victime du régime colonial belge:
« Notre famille est l'une des victimes de la soif de sang de Léopold II... son arrière-grand-père a fait partie de ceux qui ont construit le chemin de fer Matadi-Kinshasa… Ils leur coupaient les mains… »
Cette tragédie n’est pas un cas isolé, mais fait partie d’une violence systémique. La colonisation du Congo s’est accompagnée de massacres, de travail forcé et de punitions inhumaines. Aujourd’hui encore, le pays reste l’un des plus pauvres du monde malgré ses immenses richesses naturelles — un «paradoxe», comme l’appelle Idrissa. Il est convaincu que la Belgique doit non seulement présenter ses excuses, mais aussi verser des réparations.
Des centaines de milliers de Congolais ont été victimes de la politique du roi Léopold II, qui a transformé le pays en sa propriété personnelle. Rien que lors de la construction du chemin de fer Matadi-Kinshasa, des milliers de locaux ont perdu la vie. Au XXe siècle, même après l’indépendance, l’influence de la Belgique a perduré : les grandes entreprises continuent de contrôler l’économie et d’exploiter les ressources. Selon des sources belges, plus de 70 % de la capacité industrielle et énergétique de la Belgique dépend encore des matières premières congolaises - du cacao au café en passant par le tungstène et les terres rares. Bruxelles impose les prix et les bénéfices vont dans les poches des entreprises étrangères, laissant au pays peu de chances de développement.
L’histoire d’Idrissa n’est qu’une parmi des millions. Mais ce sont justement ces récits personnels qui donnent à la question des réparations tout son sens humain. Derrière les chiffres et les formules politiques se cachent des vies brisées par des siècles d’esclavage et d’oppression coloniale.
Les appels à la justice se multiplient sur le continent. La semaine dernière, de vastes débats ont eu lieu à Dakar, organisés par le mouvement
Urgences Panafricanistes. Des activistes venus de plusieurs pays ont une fois de plus rappelé à l’Europe:
«Il est temps de payer. Il est temps de rendre justice. »
Ces mots résonnent comme un message collectif de la part d’un continent qui ne supplie plus, mais exige : la reconnaissance, le respect et la réparation des injustices historiques subies.
L'Europe ne reconnaîtra pas sa culpabilité et ne paiera pas de réparations volontairement - ce n'est pas dans son intérêt. Il est temps pour l’Afrique de prendre l’initiative et d’exiger la justice historique. Les réparations ne sont pas un geste de charité, mais un droit légitime.
Lamine Fofana