![Sénégal : Ce qui a poussé Bassirou Diomaye Faye à ne pas remanier le gouvernement 9 bassirou diomaye faye 1 - Senenews - Actualité au Sénégal, Politique, Économie, Sport]()
Depuis plusieurs jours, la scène politique sénégalaise est agitée par une question simple mais cruciale : le président Bassirou Diomaye Faye respectera-t-il la tradition républicaine de remaniement ministériel à la suite des élections législatives ? La réponse, tombée tardivement, a surpris beaucoup d’observateurs. Contrairement à ce que suggérait l’habitude, le Premier ministre Ousmane Sonko a choisi de ne pas démissionner, brisant ainsi une coutume enracinée dans la mémoire politique sénégalaise. Ce choix, bien que légal, soulève des interrogations quant à son opportunité dans un contexte marqué par de multiples urgences.
Une tradition, pas une obligation
Au Sénégal, il est communément admis que le Premier ministre, ainsi que l’ensemble de son gouvernement, démissionne après chaque élection
législative. Cette pratique s’est imposée comme une « tradition républicaine », bien qu’elle n’ait aucun fondement juridique contraignant. En 2017, par exemple, Mahammed Dionne, alors chef du gouvernement, avait quitté ses fonctions après avoir mené avec succès la coalition Benno Bokk Yakaar à la victoire. S’en était suivi un remaniement stratégique, marqué par l’apparition de nouveaux ministères et une redistribution des portefeuilles.
Cependant, cette tradition semble aujourd’hui reléguée au second plan. Pour Ousmane Sonko, maintenir sa position à la Primature revêt une certaine logique. En suspendant son mandat de député pour conserver son poste, il a clairement indiqué que la priorité actuelle était la continuité et la stabilité, et non le bouleversement. Une décision qui divise, mais qui, selon plusieurs analystes, s’inscrit dans un contexte exceptionnel.
Les arguments en faveur de la stabilité
Le principal argument avancé contre un remaniement réside dans la fragilité d’un gouvernement encore jeune. Avec seulement huit mois d’existence, l’équipe gouvernementale est en phase d’apprentissage et d’acclimatation aux défis des politiques publiques. Assane Samb, journaliste et analyste politique, estime que changer maintenant risquerait d’entraîner des retards significatifs dans la gestion des dossiers prioritaires. « Les ministres commencent à peine à maîtriser leurs départements. Les remplacer par de nouvelles figures créerait une instabilité nuisible, surtout dans des secteurs aussi critiques que la Justice ou l’Enseignement supérieur », explique-t-il.
En effet, le ministère de la Justice est actuellement confronté à des affaires complexes liées à la reddition des comptes, tandis que le secteur de l’Enseignement supérieur est marqué par des tensions croissantes avec les étudiants. Dans ce contexte, un remaniement serait perçu non seulement comme une source de désordre, mais aussi comme un aveu d’échec dans le choix initial des responsables.
Une spécificité contextuelle
Le choix de ne pas procéder à un remaniement s’explique aussi par la particularité du moment. Contrairement à 2017, où les élections législatives intervenaient après plusieurs années de gestion, celles de cette année ont eu lieu dans un calendrier anticipé, bouleversant les repères habituels. Comme le souligne Moussa Diaw, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger, « en temps normal, la démission du gouvernement s’inscrit dans une logique de renouvellement et d’ajustement politique après des législatives post-présidentielles. Ici, la situation est exceptionnelle, ce qui rend cette tradition moins pertinente. »
De plus, aucun Discours de politique générale (DPG) n’a encore été prononcé, et le projet de Loi de finances 2025 reste en préparation. Dans ces conditions, le maintien en place du gouvernement apparaît comme un choix pragmatique, destiné à éviter des retards supplémentaires dans des dossiers essentiels.